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Jeux de mots et de pouvoir

Premier arc, second conte

Le duel d'Ol'Aptem



Dans les lointaines contrées d'Akbar, où rougit le sable ferreux faisant la richesse du peuple qui l'exploite, une légende transcende les ages, telle une lame figée dans le temps. Une lame. L'image n'est pas des plus inappropriées.


Membre des Caravanes Forgeronnes depuis sa tendre enfance, né et destiné à mourir au sein de ses artisans itinérants, Ol'Aptem avait été aimé de tous. Son travail était reconnu comme excellent, sa conduite exemplaire, et ses talents étaient nombreux. Et c'est tout ce que l'on sait de lui. Ni sa naissance, ni son enfance, ni son apprentissage, ni quoi que se soit d'autre. Seuls les hommages communs, amplifiés par le temps, le deuil et, peut-être, le remord, nous renseignent sur ce qu'il fut.


Car, et bien peu de mythe sont du même acabit, ce qui perdura de lui ne fut pas son souvenir, mais son dernier duel. Et plus curieusement, chose qui rend cette légende unique, ce duel ne fut pas si marquant. Mais par tout les dieux, il fut parfait.


De son opposant, pas même le nom n'est resté dans la mémoire. Tout ce que l'on sait de lui n'est qu'un amas de banalité amplifiées, si ce n'est qu'il était l'un des meilleurs duellistes de ce monde. Les contrées d'Akbar ne gardent pas de souvenir autre que ceux de la manufacture, ceux des produits forgés ou taillés, tissés ou modelés. Seul l'enseignement perdure. Ce conte en est le parfait exemple.



Nul ne sait comment ni pourquoi cela commença. Les uns prétendent qu'il ait été question d'une querelle amoureuses, d'autre jurent haut et fort qu'il eut été une notion d'honneur poussant à l'acte. Pour ma part, je soupçonne une obscure notion de quête de perfection. Cela se tient : deux hommes fasciné par le parfait et l'idéal qui s'affrontent à mort pour forcer l'un et l'autre à atteindre un seuil de pureté et d’excellence divine ; n'est-ce pas une preuve d'une forme d'amour de l'art si important qu'il nécessite de transcender le temps d'une dernière performance sa condition de mortel ?


Toujours est-il que ce duel eut lieu. Conformément aux traditions et croyances ancestrale de leur peuple, ils se saluèrent accroupis dans le sable orangé aux éclats ocres, dans lequel ils inscrivirent en runes et glyphes ésotériques leurs noms et leurs bénédictions personnelles censées leur apporter force et courage. Puis, ils se relevèrent et, solennellement, presque religieusement, dévoilèrent leurs armes. Tout deux avaient choisis des lances exceptionnelles, se terminant par une lame fine et tranchante qui aurait dut finir sur des sabres si leurs dimensions n'avaient pas été si modestes. Enfin, dans un absolu silence pas même troublé par le vent, ils se mirent en garde.


La scène était irréelle. Le temps ne s'écoulait plus. Le vents s'était tût. Tout était en suspends, tout n'était qu'un prélude à la tempête. Les duellistes se dévisagèrent mutuellement, leurs lances tendues dans le vide en direction de leur opposant respectif. Le vent se leva, et tout se mit en branle.


Chaque coup porté était d'une précision époustouflante et d'une soudaineté saisissante. Les passes d'armes se perdaient dans le vents et dans l'esquive ininterrompue des corps, qui semblaient danser avec le bois et le fer des lances s'entrechoquant et s'entrecroisant dans un assourdissant silence tempéré par une brise aussi glaciale étouffante qui se levait. Les passes se distribuaient par acoups, chacun jaugeant l'adversaire, évaluant ses mouvements, ses schémas d'attaques habituels. Lentement mais perceptiblement, les coups devinrent plus précis, s'adaptant avec patience et précision aux parades rencontrées.


Le jeu dura quelques brèves minutes, et s’arrêta aussi brutalement qu'il avait commencé. Les deux lances se firent face, semblables à deux serpents mythiques se dévisageant. Le vent immortalisa le mouvement, comme soufflant sur les braises pour les faire rougir et démarrer le feu d'un vif et féroce duel.



Soudain, une lance s’élança vers le torse de l'opposant qui évita la lame dans un pas de côté calculé tout en cherchant a bloquer la hampe avec son flanc et son arme, manœuvre déjouée par une rotation complète de l'attaquant en entraînant sa lance dans une frappe circulaire dans l'espoir de faucher son rival, qui s'envola littéralement d'un saut prodigieux en usant de sa lance comme d'une perche, puis décocha un coup de pique vers sa cible qui s'évanouit aussitôt dans un tourbillon de sable projeté par ses pieds pour prendre de flanc son opposant. Tout s'était déroulé si vite, si intensément, que le sable forma une tempête sous le déluge de coup qui s'échangeait sans jamais toucher la cible.


Les minutes s'envolèrent avec les grains de sables, formant une spirale de virtuosité aride tout autours des duellistes acharnés, dont les coups fluides et acérés taillaient dans le voile minérale quelques semblant de runes tribales archaïques, déformées mais ô combien funestes et élégantes.



Le calme revint. Il était pesant, écrasant, insoutenable. L'inertie des corps les poussaient vers le combats. Lentement, lutant contre eux-même plus que contre ce rival à la maîtrise identique, comme un reflet dans un miroir ou sur l'acier, ils se tournèrent autour, cherchant à oublier, à empecher cette chute inextricable vers une morbide perfection. Ils résistèrent, l'un comme l'autre, le plus longtemps possible.


Mais ils y succombèrent dans une ruée en avant.



Quel est ce désir qu'ont les artistes, les obsédés minutieux de toute forme de maîtrise, les forcenés talentueux et autres bourreaux de travail de chercher à maîtriser leurs pulsions créatrices et destructrices ? L'esprit humain se veut digne, fort, fier, plein de ressource et d'audace. Mais face à ses propres capacités, le voilà qui se réfreine, de peur d'en perdre le contrôle.


Pourtant, nul de deux duelliste ne refréna ses pulsions. Bien au contraire. Succombant à l'appel de la mort et de la lame, peut-être pour en embrasser la froide et stérile, mais immortelle perfection, ils s'y adonnèrent, ne devenant plus seulement les réceptacles d'un don, mais les catalyseurs de leur maîtrise, sources infinies d'arcanes martiales, univers et atome en même temps, dans le même corps, mus par la même énergie.


Ils dansaient dans la tempête qu'ils provoquaient, au rythme des battement de l'énergie qui les parcouraient. Ils dansaient mortellement un ballet fatal avec la mort, échappant aux griffes métalliques acérées tout en s'y adonnant avec insouciance. Ne faire qu'un avec la mort pour lui échapper ; ne faire qu'un avec leur art pour exister.


Chacun des coups était parfait, létal, précis, élégant, audacieux. Chacun était un monument de maîtrise, de réflexion, et d'optimisation millénaire. Chacun était issu d'une instinctive résurgence antique, elle même enfanté par une entité tapie dans l'inconscient de tous. Et tous dureraient pour l'éternitée.



Nul ne sait ce qui se passa ensuite. Le vent souffla si fort qu'il força au replis les observateurs les plus tenaces. Observateurs, sinon spectateurs. Quand ils parlèrent de ce duel, de ces deux hommes qui se battaient tels des dieux mythiques, de nombreux maîtres d'armes s'abreuvèrent du récit, demanda toujours plus de détail à propos des coups portées et de la chorégraphie. Ils s'en inspirèrent plus tard, et de nombreuses passes d'armes sont issues directement du récit, et sembles aussi ancestrales qu’innée, malgré leurs origines ô combien récentes.



Ol'Aptem réapparut à la porte nord d'Akbar, quelques jours plus tard. Il était maigre, affaiblit, fragile, portait sur son corps nu les marques d'une vie entière de combats acharnées et dans ses bras le corps couvert d'un linceul de son opposant. Il irradiait d'une heureuse sérénité, et s'éteint quelques minutes plus tard, sans dire un mots.




Combien n'osent ne faire qu'un avec leur art, de peur de s'y perdre ? Combien ne cessent de se cacher d'eux-même, de s'étouffer et de se mentir ? L'Art est aussi vieux que l'Homme, et se tapit dans sa pensée depuis plus longtemps que les plus antiques châteaux. Il est une part de nous, et chacun de nous est une part de lui. S'y adonné n'est ni bon, ni mauvais. Il est naturel d'en avoir peur, tout comme il est naturel de s'y abandonner. Mourir pour son art, en cherchant à le sublimer, est un risque à prendre, car cela revient à embrasser une puissance qui, bien qu'humaine, ne saurait être contenue dans un simple corps de chaire et de sang. Je préfère vivre et maîtriser mon art, mais le jours où je ne saurais être suffisamment fort, j'entamerai mon ascension pour façonner mon ultime chef d’œuvre.


La vie est bien trop courte, et l'Art bien trop immense, pour que l'on s'y attaque sans prendre son temps.


Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, je vous souhaite la bienvenue en Terre Brumeuse. D'ailleurs, reposez-vous quelques temps à l'auberge de la Choppe Joyeuse, où si vous êtes assez chanceux, vous pourriez découvrir quelques bien vieilles histoires, racontées par un bien étrange individu.


L'histoire qui vous est contée aujourd'hui (en retard, je m'en excuse) est celle du duel d'Ol'Aptem, duel d'artiste de la lame prêts à mourir pour leur art ô combien mortel.

N'hésitez surtout pas à me faire part des fautes d'orthographe. J'ai beau les traquer, ces sales bêtes réapparaissent toujours.

N'hésitez pas non plus à me donner votre avis sur le sujet, en bien comme un mal, et à proposer quelques idées ou à formuler quelques remarques, afin d'améliorer vos prochaines lectures.

Bonne lecture, et à la prochaine. 

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Amarna's avatar
Quel combat !!!
c'etait grandiose.
T'as vraiment un style très agréable a lire :)